TENEZ BON !

Le Canard du pianiste souhaitait vous transmettre les voeux de quelques artistes, et notre attention est restée sur la manière circonstanciée dont Fabrice Eulry a formulé les siens :

LE CANARD DU PIANISTE : Maestro, qu’avez-vous à dire et à souhaiter de particulier aux lecteurs du Canard du pianiste pour cette nouvelle année 2021 ?

FABRICE EULRY : A ceux qui râlent mais qui, dans le fond, plutôt que de songer à une quelconque inflexion, préfèrent que les choses continuent à évoluer dans le sens où elles le font depuis quarante ans, je souhaite une bonne année de tout coeur, car c’est à eux qu’il faudra penser en 2021 quand ils seront les derniers à être dérangés dans leur confort, et devront partager la déprime de ceux qui sont déjà atteints, ce sont aussi eux dont la chute sera la plus douloureuse parce que trop tardive. C’est une acception possible de « Les derniers seront les premiers ».

LE CANARD : Et les autres ? Ceux qui ont souffert en premier et souffriront moins en 2021 ?

F.E : … Oui… Les plus nombreux parmi les lecteurs du Canard du pianiste. Eh bien chers amis mélomanes, 2021 va vous sembler pire que 2020 surtout au début mais ensuite cela ira bien mieux.

LE CANARD : Pourquoi ? C’est une bonne nouvelle ! Vous vous êtes reconverti dans l’astrologie depuis que les artistes sont privés de travail ?

F.E. : Je travaille toujours, moins certes, mais par d’autres moyens. Je n’y connais rien en astrologie mais dit-on, certains artistes savent anticiper.

LE CANARD : Vraiment ?

FABRICE EULRY : Je vous ferai grâce d’un florilège, mais en octobre 2020 lorsque j’ai annoncé que je donnais « mon dernier récital public en France avant longtemps  » à Sauveterre de Rouergue au festival en Aveyron, je ne me suis pas trompé. En ce début d’année 2021 je ne prendrai pas de risque : je prédirai juste que ceux qui souffrent déjà vont mieux se sentir en 2021 qu’en 2020, parce qu’on s’adapte à un monde médiocre et sinistre en construisant un monde intérieur riche, et c’est ce qui va se passer pour beaucoup lorsqu’ils s’apercevront que l’enfermement que nous vivons est programmé pour être définitif.

LE CANARD : Mais c’est atroce ce que vous nous prédisez !

F.E. Non parce que ça n’arrivera pas, mais pour que ça n’arrive pas il faut tous en passer par cette phase de désespoir, je n’ai pas d’espoir au rabais à vendre. Il faut comprendre que nous sommes des victimes qui avons tort de réclamer un peu d’humanité à nos bourreaux, et que nous n’en sortirons pas sans nous prendre en charge ni renverser la table. Chacun à son heure comprendra, chacun à son rythme : il ne faut pas juger les autruches, les bouchés, ou les lâches, nous le sommes tous un peu.

LE CANARD : Beaucoup disent que c’est impossible, et que la violence ne fait que justifier la répression.

F.E. Qui parle de violence ou de casse ? Je parle de placer son énergie dans l’imagination. Ses bourreaux l’ont prise pour du bétail, mais la race humaine est plus douée qu’un troupeau quelconque, il suffit qu’elle s’en rappelle. C’est en train de se faire. C’est dommage qu’il ait fallu tant de souffrances pour se réveiller mais ce fut souvent ainsi dans l’Histoire.

LE CANARD C’est du baratin tant que vous ne proposez rien.

F.E. Bien sûr que je propose des choses diverses et variées, et je ne suis pas le seul, mais je ne peux pas le faire publiquement. Ensuite, demandez-vous pourquoi sous prétexte de contagion on peut néanmoins s’entasser dans le métro à des horaires de pointe de plus en plus serrées par le couvre-feu, alors que malgré les efforts des petits commerçants pour prendre des précautions, est interdit tout ce qui donne de l’espoir, crée du lien, et du sens à la vie ? C’est parce que c’est cela que craint un pouvoir médiocre, qui n’est plus au service que de sa seule survie et de ses sponsors. C’est donc cela qu’il faut reconstruire sous d’autres formes chaque fois qu’il tente de le détruire !

LE CANARD : Est-ce que vous rendez-compte de l’énergie que cela demande ?!

F.E. Oui. Mais quand nous réalisons que c’est la seule alternative à la pente descendante et sans fin qu’on tente de nous imposer, cette question devient secondaire. En se projetant dans l’avenir au lieu de de se laisser miner par un présent qui semble sans issue, on réalise en creusant un peu, que le pouvoir oppressif est dans une fuite en avant qui augure de sa fin… A nous de ne pas se laisser entraîner dans sa chute. Donc à tous : tenez bon ! La lumière est devant nous !

LE CANARD : Et à présent, après cet entretien énergique, un boogie-woogie du pianiste enregistré à Kharkiv en Ukraine.

Et un peu de paix avec le concert d’Elizabeth Sombart au Liban le 2 janvier dernier :

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