LES BOÎTES DE NUIT VONT-ELLES DISPARAÎTRE ?

Nous reproduisons un extrait d’un article paru en 2018 dans Sputniknews, que nous ponctuons de nos commentaires en demi-teinte et sans concession.

[Article initialement publié le 27 juillet 2018]

En 30 ans, près de deux tiers des discothèques ont disparu, elles étaient près de 4.000 au début des années 80, aujourd’hui on en recense environ 1.500. Une disparition accélérée par une réglementation très stricte pour les établissements de nuit, en témoigne l’augmentation des fermetures administratives. En effet, en 2017 à Paris, 210 bars ont été concernés par une fermeture administrative, ce qui représente une hausse de 17,15% comparé à 2016, selon Le Parisien. Or, le poids de cette réglementation pousse certains lieux mythiques à fermer leurs portes, on pourrait citer La Féline, bar rock parisien situé à Ménilmontant. Au-delà de l’aspect légal, la nouvelle génération est moins encline à faire la fête de la même manière que leurs parents. Le monde de la nuit est-il en train de disparaître?

After Party ou le charme des discothèques une fois la fête terminée

Pour Patrick Malvaës, président national du syndicat national des discothèques et lieux de loisirs (SNDLL), s’«il n’y a pas eu de substitution d’une manière de faire la fête à une autre comme les discothèques avaient pu se substituer aux bals.» Le président du SNDLL note que l’éventail des loisirs s’est élargi. Le président du SND est manifestement largué quant aux nouvelles manières de faire la fête, notamment chez la jeune génération. Certes l’éventail des loisirs s’est élargi mais cela ne date pas d’hier, cet élargissement était déjà en vigueur dans les années quatre vingt. Parallèlement certaines manières de faire la fête disparaîssent.

«Autrefois, vous aviez la vie professionnelle et le week-end pour vous défouler, la journée vous travailliez et la nuit vous sortiez. Désormais, c’est beaucoup plus imbriqué notamment avec les phénomènes informatiques et numériques comme les réseaux sociaux […] Il n’y a plus besoin des discothèques pour faire disparaître les démons du jour avec les fantômes de la nuit.» Le constat est intelligent mais la conclusion par laquelle il a commencé l’entrevue est fausse on l’a vu.

Un changement générationnel

Pourtant, Patrick Malvaës évoque la part de responsabilité de quelques propriétaires dans cette désaffection des Français, surtout des plus jeunes, pour les lieux nocturnes.

«Il est certain que la crise économique n’a pas aidé, mais on peut réfléchir autrement en se disant que l’offre proposée était trop élevée et ne s’est pas adaptée au pouvoir d’achat […] Il faut que la « recette » soit beaucoup plus respectueuse de l’activité à tous les niveaux, à commencer par la qualité musicale, la qualité de l’accueil, la qualité de l’offre. C’est fondamental.»

Là en revanche, rien à ajouter, si ce n’est qu’on peut en effet parler d’effondrement culturel général qui se paye à un moment donné. Oui, à un moment donné, une génération de jeunes a accès à une plus grande diversité musicale grâce à la toile et n’a plus forcément envie de partager le désoeuvrement facile des générations précédentes dans des boîtes où l’on se ruine pour n’avoir que du boum boum à 100 db qui empêche tout contact humain, alors que l’imagination de la jeunesse s’exprime aujourd’hui à travers de nouveaux moyens.

Une exigence musicale d’une nouvelle génération qui tranche avec celle de leurs aînés. «À mon époque, nous n’avions pas vraiment de culture musicale. » (en fait si, mais il fallait fouiller et être curieux si l’on voulait sortir du diktat télé des clips MTV M6 et de la musique uniforme que diffusaient… les boîtes de nuit ! « Aujourd’hui, les jeunes ont une vision qualitative de la musique qui est tout à fait différente de celle que l’on avait. Le contexte culturel a changé ainsi que l’appréhension de la musique.» Eh oui pas de bol, il aurait peut-être fallu prendre le train en marche en proposant autre chose que la soupe du moment au seul diapason de la sous-culture TV avant que les deux-tiers des boîtes disparaissent.

«On est effarés lorsque l’on découvre que la chanson la plus jouée dans certains clubs est Magnolia» s’étouffe Patrick Malvaës.

Normal : depuis le disco, il y a pourtant eu d’autres courants musicaux, mais les boîtes de nuit, les DJs et l’industrie du disque et à la télé n’ont rien promu d’autre que ce que leur monde fossilisé au XXème siècle avait à vendre. Ce monde, drapé dans sa toute puissance quand il croyait dicter ses goûts de caniveau à tous, est maintenant ringard du simple fait de l’accès à l’information. Et ce n’est que le début de la chute.

Le King’s club : discothèque d’Angoulême à la fin des années 70, à l’époque où les boîtes de nuit apportaient encore une valeur ajoutée : (lien sur le lien pour visionner la délicieuse publicité kitschissime qui passait aux cinémas du coin)

https://www.youtube.com/watch?v=46_boZdP3Hk

Par ailleurs, avec l’omniprésence des réseaux sociaux, il n’est plus nécessaire de sortir pour faire des rencontres. «Quand vous avez besoin de rencontrer l’autre, vous n’avez plus besoin d’être dans le même lieu, tout est dématérialisé, c’est Meetic, Tinder, tout ce que vous voulez. Toute cette fonction de rencontre, de mise en relation, a été défaite» regrette le président national du SNDLL. C’est faux, les petites annonces, les agences matrimoniales, ont toujours existé, et dans le virtuel, il y avait déjà le minitel rose (3615 ULA !) qui cartonnait il y trente ans. Le petit doigt aura encore du boulot pour cacher ces évidences.

En outre, certains propriétaires n’ont malheureusement pas su innover en utilisant les nouveaux outils pour, justement, aller à la rencontre cette nouvelle génération. «Il y a des sites internet qui sont complètement obsolètes avec des photos ringardes. Ils n’ont pas su passer à Instagram ou Snapchat par exemple.» Si même eux se sont en retard dans la course à la tendance (cette fuite en avant qui était leur seul talent) alors oui, leur cas est désespéré.

Une boîte de nuit en 1969 (ah tiens ?! Il y avait des musiciens à l’époque !)

«C’est quand même affolant, il y a eu un retard à l’allumage concernant la révolution numérique. Dans la grande mouvance qui est en cours, il y a une grande difficulté à appréhender les désirs et évolutions. Il y a des gens qui passent à Facebook, mais c’est déjà fini chez les jeunes. L’obsolescence n’est pas programmée, elle est inéluctable.»

Une réglementation obsolète

Si l’aspect socioculturel a eu un impact sur l’attractivité des discothèques et autres bars dansants. La réglementation en France a sonné le glas du monde de la nuit. Avant de réussir à obtenir une réforme fondamentale en 2009 [Art. 15 du décret n° 2009-1652 du 23 décembre 2009, ndlr], Patrick Malvaës rappelle que «les discothèques étaient obligées de demander des dérogations à la préfecture de police pour pouvoir fonctionner la nuit.»

«Cette dérogation était donnée au cas par cas, à la tête du client. Ça a tué les discothèques. Comment voulez-vous qu’une banque prête de l’argent pour monter un établissement alors qu’il est dans la précarité absolue, on ne peut pas prêter à une entreprise dont on ne sait pas si demain elle fonctionnera» déplore Patrick Malvaës.

Tandis que nos voisins européens ont su capter les grands changements liés à la fête comme «la Movida en Espagne ou encore la chute du mur de Berlin qui a fait exploser le monde de la nuit».

«En France, on a été très ringard. Il y a un contexte français très particulier, la législation applicable aux discothèques est le code des débits de boisson qui a été édicté sous le gouvernement de Vichy [la Licence IV autorisation créée le 24 septembre 1941, ndlr] à une époque où le disque n’existait pas. C’est donc la législation des bistrots que l’on a calquée pour les discothèques.»

Propriétaires d’établissement de nuit, coupables de tous les maux

Avec une législation qui s’est assouplie en matière d’horaire de nuit, pour Patrick Malvaës, «les préfets se reportent désormais sur les fermetures administratives pour reprendre ce qu’ils ont concédé.»

Les fermetures administratives permettent, sur ordre du préfet ou du maire, de fermer un établissement pour une durée pouvant aller jusqu’à 6 mois maximum [possibilité d’étendre à 12 mois par arrêté du ministre de l’Intérieur, ndlr], en cas d’infractions aux lois et règlements en vigueur, d’actes criminels ou délictueux, ou bien d’atteinte à l’ordre public et à la sécurité de la population. On pourrait citer les Nuits Fauves, discothèque située sous la Cité de la mode et du design à Paris a été fermé un mois, fin 2017, sur ordre de la préfecture, car trois clients ont été hospitalisés après y avoir consommé des stupéfiants. Ou encore l’Espace B à Ménilmontant (Paris) fermé 1 mois sur ordre de la Préfecture de Police en raison des conditions de sécurité de la salle. Sans compter la multitude de fermetures administratives concernant les nuisances sonores.

Des décisions qualifiées d’«abusives» et «intempestives» par Patrick Malvaës pour les nuisances sonores. Et pour cause, «le vrai problème c’est où commence le privée et commence le public […] On est responsable jusqu’aux limites de notre établissement et aux abords immédiats ce qui est tout à fait normal.» Pourtant le président du SNDLL dénonce également le fait que «la responsabilité individuelle n’est jamais pointée du doigt» dans les cas d’état d’ébriété ou de consommation de stupéfiant.

«Au lieu de rendre la responsabilité aux gens qui font les cons et tout ça, au lieu de s’attaquer à eux. Eh bien non, on dit que c’est de la faute de l’établissement et on ferme l’établissement. C’est d’ailleurs même déresponsabiliser les clients.»

Tout cela est exact. Autant les boîtes, ne devraient pas tenir de discours à deux vitesses en se la jouant acteur social, ne pas se plaindre, et parler franchement de la place qu’elles ont délibérément occupée depuis les années 80 (celle de boîtes à fric qui utilisent la solitude et le désoeuvrement que fabrique notre mode de société, pour plumer d’avantage le paumé avec de l’illusion) autant elles sont en effet des boucs émissaires de l’oppression bureaucratique, et des vaches à lait idéales pour tous les rackets en tous genres, légaux comme illégaux. L’auteur de ces commentaires sait de quoi il parle, ayant travaillé des années en boîte du côté des tenanciers, très au fait de leurs soucis.

Patrick Malvaës rappelle d’ailleurs qu’il existe dans le droit pénal français, une infraction prévue par le code de la santé publique pour ivresse publique et manifeste (IPM) réprimant l’état d’ébriété sur la voie publique, une loi «jamais appliquée».

Certes il a raison, et la non application débouche sur une injustice consistant à ne s’en prendre qu’aux boîtes de nuits et à certaines boîtes de nuit (règlements de compte mafieux suite au refus de se faire racketer, blanchiment d’argent…)

Néanmoins, si l’état des lieux pourrait sembler alarmant, les discothèques restent, toujours, une échappatoire pour les Français.

« Les gens qui mènent une vie de plus en plus difficile, ils sortent pour oublier un peu la vigueur de la journée. On est des régulateurs du système. À ce titre-là, on est des assistantes sociales naturelles et on devrait être aidés dans cette fonction-là. Il y a aussi les aspirations de l’être humain, mais si la société n’accompagne pas ses citoyens forcément il y a un hiatus. Et c’est le problème des discothèques en ce moment», conclut Patrick Malvaës. »

En clair : sans les discothèques les gens seraient tous dépressifs, alors qu’attend la sécu pour rembourser le mini whisky coca à 50€ ? La bouteille à 300 € ? Et les appareils de correction auditive pour les acouphènes qu’on y attrape ? Qu’attendent les pouvoirs publics pour subventionner les boîtes de nuit et tant qu’à faire toutes les autres formes de désoeuvrement (Lupanars, tripots…) ? Que fait donc l’État pour aider cette mission philanthropique ? Quand on vous dit qu’il n’y a plus de service public digne de ce nom… Tsss…

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