PARIS COLONISÉ PAR L’ART… (FINANCIER)

Le Canard du pianiste relaie régulièrement le blogue de Christine Sourgins qui nous propose un propos exempt de toute idéologie.

Pas de conservatisme frileux ni de modernisme béat, mais un éclairage toujours inattendu et pertinent rendu possible par un sens des réalités économiques (qui libère la pensée de l’abstraction idéologique) et une érudition dans les Arts plastiques, au service des artistes libres dont Christine Sourgins est une alliée bienveillante.

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« Paris colonisé par l’Art financier
Jeff Koons vient de « donner » une oeuvre à Paris : un clinquant bouquet de tulipes brandi par une main gigantesque, qui dépareillera l’espace entre le Palais de Tokyo et le musée d’Art moderne de la Ville de Paris…tant la différence d’échelle et de matériaux est choquante. Pour implanter ce bronze polychrome de douze mètres de haut et 33 tonnes, les riverains n’ont pas été consultés, pas plus que les architectes des bâtiments de France : la loi Pellerin a été promulguée précisément pour rendre l’AC incontestable, incritiquable. L’ambassadrice américaine s’est donc unie à une mairie de Paris aux ordres et à un collectionneur (M. Pinault grand amateur de Koons était présent lors de l’annonce) imposant n’importe quoi, n’importe où, puisque, Loi oblige, il suffit d’invoquer le label magique d’« Art contemporain ». « Donner » est mensonge : à condition que l’on paye le vase a titré Le Monde, enfin lucide ! Le don n’est pas financé et son coût serait de 3 millions d’euros … Emmanuelle et Jérôme de Noirmont, anciens marchands parisiens de Jeff Koons, reconvertis producteurs, sont chargés de collecter les fonds via du mécénat privé : collaborateurs de la colonisation culturelle à vos chéquiers ! Mais ce mécénat privé va investir l’espace public : en réalité c’est Paris qui se donne. Koons accapare le bien commun, le prestige parisien, pour augmenter encore sa cote. Même quand on est l’artiste vivant le plus cher au monde, l’Art financier fonctionne comme une bicyclette : si on n’avance pas sans cesse, on tombe. Le battage permettra en outre à Koons d’installer enfin une de ses œuvres dans l’espace public de son propre pays…

Toute cette stratégie est maquillée en « signe de fraternité après les attentats de novembre 2015 » . Comédie cousue de fil blanc : les lieux n’ont aucun rapport avec les attentats et l’excuse compassionnelle colle mal avec la référence « aux fleurs rococo de François Boucher ou de Jean-Honoré Fragonard » : un peu de frivolité pour parfumer une tuerie ? Quant à la main, elle évoquerait celle de la statue de la Liberté (éclairant le monde), œuvre de Bartholdi donnée par la France aux Etats-Unis en 1886. N’est ce pas plutôt « la fameuse main invisible du marché » ? Koons vient-il fleurir la tombe de la culture européenne soumise à la finance mondialisée : quand on sait que la tulipe (1) engendra une spéculation féroce au XVIIème siècle, on ne saurait rêver de symbole plus fort marquant l’emprise de l’Art Financier au coeur de Paris !

L’opération est d’autant plus écœurante que l’espace de la rue est actuellement celui des sdf, refugiés et autres sans abris qui eux, visiblement, ne sont pas suffisamment « contemporains » pour qu’on dépense ces 3 millions d’euros pour les aider… »

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