BOB DARTSCH VA NOUS MANQUER

bob.jpg Bob Dartsch a accompagné régulièrement Renaud Patigny avec le même talent qu’il su a déployer auprès des trois quarts de ceux qui font du blues sur la planète. Il a même enregistré avec Plastic Bertrand, touchant la somme de 500 francs français de 1977 comme batteur de Ca plane pour moi !

Nous avions décidé Renaud Patigny  et moi d’enregistrer notre prochain disque avec lui à la batterie, si il s’en tirait mais sa dernière séance de chimio l’ayant selon toute vraisemblance, envoyé directement chez Saint Pierre, Bob nous laisse un grand vide musical et humain. 

Bob Dartsch, était le batteur très demandé dans la variété, et le rock, où l’on a d’autant plus besoin de vrais musiciens qu’il faut compenser la nullité des escrocs, un ange Bruxellois au délicieux accent avec qui je pouvais aussi bien parler de Napoléon que de la bande dessinées belge pour tromper le trac dans les coulisses, ou lors des longs voyages en tournée. Sa culture, sa douceur, son humour à la François Damien, et sa modestie incroyable nous manque : lui qui avait joué avec tout le monde, tout connu, et était plus âgé que nos parents et avait tout à nous apprendre du métier, ne la ramenait jamais. Nous ne manquions pas de lui demander de nous compter les anecdotes de la légende dont il est un acteur.

Voici un reportage récent très intéressant sur notre ami Bob Dartsch  :

ROCK BELGE / ALBUM SOUVENIRS

PORTRAIT DE BOB DARTSCH (LECLERCQ)

« LANGE BOB », LE  » MERCENAIRE DU ROCK « 

 Interview réalisée par Jean Jième le 13 août 2012

Bob Dartsch – 50 ans de métier – profession : batteur dit : « lange Bob »

Bob Dartsch me reçoit chez lui – août 2012

UNE FAMILLE D’ARTISTES

Robert Leclercq vient au monde le 7 juillet 1944. Dans le registre des naissances, sa mère l’inscrit sous son nom de jeune fille. En fait, Monsieur Dartsch père, ne reconnaîtra son fils que 21 ans plus tard. C’est à partir de cet âge que Bob portera définitivement son nom.

Le jeune Bob révèle très tôt des qualités artistiques indéniables. Il faut dire que son grand-père, parti pour les States au début du siècle, avait essayé de se lancer dans la voie artistique. Avec des danseurs noirs d’Harlem, il s’était mis en tête d’apprendre les claquettes.

Après des fortunes diverses, il avait fini par regagner Bruxelles, où il avait écumé tous les cafés, cabarets et music-halls pour présenter son numéro.

A-t-il inoculé à sa fille sa fibre artistique ? Le fait est que cette dernière s’est, à son tour, lancée dans la carrière de chanteuse. Devenue choriste à l’Alhambra, elle a fait partie également de plusieurss revues aux Folies Bergères.

Bob se rappelle avoir assisté régulièrement aux spectacles de sa maman, lors de grands événements tels que la venue de Georges Guétary ou de Luis Mariano.

Yvonne Leclerc à l’Alhambra

UNE SEULE PASSION : LA MUSIQUE

Le métier d’Yvette Leclercq ne lui permet pas de garder son fils auprès d’elle. Elle l’inscrit donc à Saint-Nicolas, un internat de bonne réputation dans le quartier d’Anderlecht à Scheut.

C’est là que Bob va faire la connaissance de John Valcke (*), pensionnaire lui aussi de l’établissement.

Bob a une passion : la musique. Dans les années 50, il n’écoute que Little Richard, Gene Vincent, Jerry Lee Lewis et tous les autres rockers sur des 78 tours (édités par la firme Ronnex). Il se sent davantage attiré par le rythme de ces chansons que par leur mélodie Il connait tous les morceaux sur le bout des doigts.

Il fait une révélation à sa mère : plus tard, je serai batteur. Pour le prouver, il chipe les cartons d’emballage des aspirateurs que vend son père et accompagne ses idoles en tapant dessus avec des cuillères en bois.

Sa mère lui achète ses premières baguettes. Puis, devant les efforts redoublés de son fils, casse sa tirelire pour lui acheter une caisse claire et une paire de cymbales.

Dans la foulée, elle l’inscrit à l’école de musique de Schaerbeek. Doué, sérieux et travailleur, Bob trouve l’opportunité de jouer dans de petits orchestres d’amateur aussi bien de jazz que de rock.

(*) Bassiste de grand renom, il a fait partie du Wallace Collection et du Sweet Feeling.

Les débuts – 1961

The Rocking Goose, un de ses premiers orchestres

LES ANNÉES 60

Les Twenties

En 1961, Bob vit dans le quartier animé d’Helmet. Il évoque une des périodes les plus heureuses de sa vie.

Bob Dartsch : Les orchestres naissaient par dizaines. Les Shadows étaient les stars du moment. Dans chaque rue, les garages ou les caves servaient de locaux de répétition. On vivait à l’heure américaine.

Il y avaient également ceux qui délaissaient le répertoire des Shadows pour se tourner davantage vers les chanteurs à voix comme Cochran, Holly, Vincent, Little Richard etc…

Bob qui, désormais, dispose d’une batterie complète est sollicité de toutes parts.

Sans le savoir, il entame une carrière artistique qui ne s’interrompra plus jamais et qui ne connaîtra aucune éclipse.

On le retrouve ainsi aux côtés de Shorty avec ses Fireblazers, avec Kirk Viking et ses Vikings, dans les Jetsavec Peter Welch, avec Buddy BrentAriane et les 10-20.

Il accompagne tous les chanteurs flamands du moment, Will Tura en tête.

Avec le chanteur Buddy Brent

Avec les Jets

Bob Dartsch, Shorty et Guy Huysmans (alias Kirk Viking)

 

Michel Perrin : ex- guitariste soliste des Jets : C’est le meilleur batteur que nous ayons connu. Bob était un colosse amical. Je me souviens de ses yeux de chinois, de son regard perçant mais toujours doux. Nous avons beaucoup ri ensemble. Je ne l’ai plus jamais revu après l’épisode des Jets mais je ne l’ai jamais oublié. Bob est inoubliable.

 

SEVENTIES

Avec l’arrivée des Beatles, le rock évolue à toute allure. La pop music trouve ses lettres de noblesse. La notion d’ orchestres évolue à son tour. On parle désormais de groupes.

Tandis que les années soixante s’achèvent à la fois de manière glorieuse avec le festival de Woodstock et dramatique avec le concert des Stones à Altamont, Bob poursuit son petit bonhomme de chemin.

Mais au lieu de faire partie de groupes aux carrières (souvent) éphémères, il opte pour la sécurité en devenant un batteur de studio apprécié.

Avec Paul Closset – Galeries Anspach 18.12.1971

AVEC BRUMAIRE

Avec Brumaire – studio à la RTB – avril 1970

Ce n’est pas pour autant qu’il néglige de venir avec son matériel lorsqu’on l’appelle. Ni même de faire temporairement partie de groupes pour autant que sa carrière de musicien de studio n’en soit pas entravée. C’est ainsi qu’il partagera au cours des décennies 70 et 80, les bons et les mauvais jours de Brumaire, Salix Alba, Pazop, Les Petites Frappes, Afrodisiak, Zar, Marc Hérouet’s Ragtime Cats, Jazzbeek, Two Man Sound, Cos.

SALIX ALBA

Avec Salix Alba – 1973

Bob Dartsch : On a travaillé d’arrache-pied pour arriver à sortir des sentiers battus et à construire un groupe qui ait à la fois un style et un son particulier. Avec Pietro Lacirignola qui jouait sur deux sax à la fois, on créait la surprise. Certains nous comparaient parfois à Van Der Graaf Generator.

C’était une équipe cohérente avec de vrais rapports cordiaux. Un vrai bonheur.

TWO MAN SOUND

Avec Two Man Sound – 28.11.1975

Bob Dartsch : Avec Two Man Sound c’était très différent. Pratiquement pas de répétitions et des contacts plus distants. Cela dit, sur scène, je me suis toujours énormément amusé. C’était un fameux trio.

Sylvain Vanholme : Le mérite de Bob est d’être resté un batteur « old school », comme Aerts, De Muynck, Rottier, c’est dire capable de s’adapter à tous les styles de musique du dixieland au punk rock. Rappellons que c’est lui qui a joué sur Ça plane pour moi.

Il m’a souvent fait penser à Mick, le batteur de Fleetwood Mac, qui était plus grand que le reste du groupe. Il avait le même punch dans son jeu.

Sur le plan humain, j’ai toujours apprécié son flegme, son humeur toujours égale. Comme il s’intéressait à pas mal de sujets, il était agréable de discuter avec lui tout en le regardant pointer son index dans votre direction. Vraiment un charmant garçon.

 

ROBERT COGOI

Bob Dartsch : dans les années 70, j’ai accompagné Roberto et Robert Cogoi, deux valeurs sûres de la chanson belge, ils sont devenus mes employeurs.

Avec eux, j’ai pu compter sur des contrats réguliers et sur des cachets plus qu’honorables.

Il deviendra également le batteur de la talentueuse chanteuse Christiane Stefanski.

BOB, LE MERCENAIRE

A ce sujet Bob précise : on m’a souvent traité de mercenaire de la musique. Je peux comprendre qu’on m’appelle comme ça.

J’ai joué avec tout le monde, sans jamais vraiment me fixer avec personne.

J’ai mélangé tous les styles. J’ai fait de la variété comme du rock, du jazz comme de la pop. J’ai même été un de ceux qui ont participé à l’enregistrement de Ça plane pour moi  !

Robert Cogoi et son orchestre – Liège 1970

Avec Cos, la participation de Bob se limita à l’enregistrement d’un album.

En Tunisie avec Alain Bureau, Bob Dartsch, Kevin Mulligan,

Pierre Van Dormael

En 1973 à l’occasion des 50 ans de la Sabena, Pol, le patron du Pol’s Jazz Club

avait été invité à à Kinshasa en compagnie de Salix Alba. À gauche : le

musicien de couleur Hal Singer.

*
SOUVENIRS EIGHTIES -NINETIES

Bob Dartsch avec Marc Hérouet et John Valcke – Zar 1986

Bob Dartsch : Zar est sans doute le groupe avec lequel j’ai le plus répété dans ma vie. De 8 Hr du matin à 17 Hr presque tous les jours, durant quatre ans. On n’a pas dû prester plus d’une quinzaine de fois ! Quelle richesse dans la créativité ! On était à l’avant-garde de la  » nouvelle musique « .


Afrodisiak – 1987

Bob Dartsch : Autre groupe d’avant-garde. On se voulait à la pointe des nouveaux courants musicaux. On détonnait dans le milieu ambiant. Ce qui explique qu’on n’a pas rencontré le succès qu’on méritait.


La troupe Afrodisiak – 1987. De gauche à droite : John Valcke, Mamady Keita, Poney Gross,

B.J.Scott, Marc Keyarts, Bob Dartsch. (photo © J.Agost)

Années nonante : Les Petites Frappes – au centre Bob Dartsch

Deuxième à gauche : Patrick Wallens, l’actuel directeur de Couleur Café

*

BOB ET LE J A Z Z

De g.à dr.: J.Meunière (batteur parisien), Bob Dartsch, Al Copley,

Bill Willis (ex-musicien de James Brown)

La Huchette à Paris – décembre 1993

MEMPHIS SLIM – TOOTS THIELEMANS – AL COPLEY – BILL WILLIS

Parallèlement au rock-pop, Bob a également orienté sa carrière vers le jazz. Ce qui lui a valu des rencontres exceptionnelle avec quelques grosses pointures  : Memphis Slim, Blind John Davis, Erroll Dixon, Al Copley, Bill Willis, Bill Coleman, Benny Waters, Bud Freeman, Mighty Fly Connors, Paul Closset, Renaud Patigny.

Bob Dartsch : Al Copley a particulièrement compté pour moi. Quel formidable bluesman !

J’ai travaillé avec lui à Paris, à la Huchette, durant des saisons entières. Ensuite, je l’ai accompagné durant toutes ses tournées européennes. Pendant quatre ans on a sillonné la France et la Suisse. On a joué en Angleterre tout un temps. On a même poussé une tête jusqu’au Maroc.

Bill Willis était aussi un type très attachant. Dans les années 50-60 il a travaillé comme musicien de studio pour le compte de King Records..

 

MEMPHIS SLIM – TOOTS THIELEMANS – AL COPLEY – BILL WILLIS

Parallèlement au rock-pop, Bob a également orienté sa carrière vers le jazz. Ce qui lui a valu des rencontres exceptionnelle avec quelques grosses pointures  : Memphis Slim, Blind John Davis, Erroll Dixon, Al Copley, Bill Willis, Bill Coleman, Benny Waters, Bud Freeman, Mighty Fly Connors, Paul Closset, Renaud Patigny.

Bob Dartsch : Al Copley a particulièrement compté pour moi. Quel formidable bluesman !

J’ai travaillé avec lui à Paris, à la Huchette, durant des saisons entières. Ensuite, je l’ai accompagné durant toutes ses tournées européennes. Pendant quatre ans on a sillonné la France et la Suisse. On a joué en Angleterre tout un temps. On a même poussé une tête jusqu’au Maroc.

Bill Willis était aussi un type très attachant. Dans les années 50-60 il a travaillé comme musicien de studio pour le compte de King Records.

Bob Dartsch accompagne Memphis Slim – Pol’s Jazz Club – novembre 1982

Bob Dartsch : Lors de l’anniversaire de Pol, il a demandé à Memphis Slim de venir jouer dans son Club. Pol a fait appel à moi pour l’accompagner à la batterie. Et comme Toots était de la partie il en a profité pour faire une jam avec le célèbre jazzman américain.

 

*

SOUVENIRS 2000

Bob Dartsch chez lui – photo J.Jieme

Concours de batterie à St Josse-ten-Noode

Bob avec Jean Demanet, bourgmestre – 2010

John Valcke, Bob Dartsch, Nicolo et Renaud Patigny (*) au Grand Café à Bxl – 1999

Aujourd’hui Bob est près de la retraite, mais il n’a nullement l’intention de ranger ses baguettes. Il continue à jouer partout où on le demande mais surtout avec Renaud Patigny (*) et son groupe Blue Devils. Autour de lui, on retrouve souvent les mêmes musiciens : André Ronsse, Peter Verhas, John Valcke (devenu contrebassiste).

(*) « un pianiste à la technique étincelante et dont la connaissance du boogie-woogie dépasse de loin celle de la plupart des pianistes américains » (Chicago Tribune .)

Bob Dartsch : Je joue encore très régulièrement avec Buster and the Swing aux côtés de René De Smaele, André Ronse, Marc Hérouet et Jean Van Lint.

 

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2 réponses à BOB DARTSCH VA NOUS MANQUER

  1. Le Canard du pianiste dit :

    @Benjamin Intartaglia

    Oui la dernière que j’ai joué avec lui c’était au festival de boogie à Cambrai nous avons joué Pat twist. Il était fatigué mais il avait le moral. Idem dans les dernières semaines, au téléphone. Il s’apprêtait à aller voir, juste après sa dernière séance de chimio, un génial pharmacien homéopathe M.Faucon à Bruxelles, que je recommande à tous, et qui en a sauvé plus d’un de situations aussi fâcheuses. Je le lui avait conseillé; mais il n’a pas eu le temps d’y aller.
    Il était déjà épuisé, il l’ont achevé.
    Aujourd’hui cher collègue, tout le monde a désormais dans ses proches dans sa famille, quelqu’un souffrant du cancer.
    Pourtant la croyance aveugle en la toute puissance de la science occidentale, et l’exploitation de cette confiance par des puissances d’argent ne nous empêche pas de continuer à nous soigner et à laisser soigner nos proches uniquement comme d’autres croient pouvoir vaincre les guérillas avec des armées conventionnelles et du matériel de pointe.
    Pour commencer, les guérillas se préviennent, elles peuvent être évitées…
    J’ai décidé de relayer sur Le Canard du pianiste tout ce que l’on m’envoie au sujet de la santé qui soit porteur de beauté d’espérance et de connaissance, en mémoire de Bob et de tous ceux qui me manquent.
    Bien musicalement
    Fabrice Eulry

  2. Cher Fabrice, c’est malheureusement par cette belle page-hommage que j’apprends la disparition de Bob, ce qui me chagrine beaucoup. C’était quelqu’un de fantastique, tant sur le plan humain que sur le plan musical, et je garderai longtemps les souvenirs que j’ai de lui….Quel regret de ne l’avoir pas revu récemment… Musicalement à tous.

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